Témoignage colloque EE Christian Brodhag

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Témoignages d'experts au colloque sur l'empreinte écologique du 06 octobre 2004

Christian Brodhag, délégué interministériel au développement durable.

« Le développement durable nécessite de changer notre représentation du monde. L’empreinte écologique, de par la vision lumineuse qu’il véhicule, est en ce sens un outil essentiel. »

Vers une autre représentation du monde

Si les techniciens et les spécialistes ont besoin d’une multitude de données afin de disposer d’une expertise profonde, les décideurs, les politiques et les citoyens ne peuvent évidemment pas avoir une connaissance précise de l’ensemble des indicateurs nécessaires à l’évaluation du développement durable. Il y a donc besoin d’informations pour la prise de décision mais dont la vocation principale est de changer la représentation que l’on a du monde.

Le développement durable induit un changement de paradigme, de ces systèmes de pensée qui une fois qu’on en est imprégné se retrouvent dans l’ensemble des visions et des façons dont on décline les problèmes. La notion de Progrès est complètement réinterrogée, et les visions mécaniques du monde se heurtent à une vision transversale, organique, mobilisatrice. Cela se traduit par des organisations de pouvoirs administratifs cloisonnés, formels, où les processus rationnels fondés sur la bonne connaissance s’opposent à des processus où l’on accepte que la rationalité est limitée, et où l’on privilégie l’amélioration continue.

Or, l’essentiel de ce que nous avons à faire aujourd’hui est ce changement de paradigme, de représentation du monde. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’empreinte écologique. C’est un outil bien sûr améliorable et qui ne peut pas tout résoudre, mais qui est à cet égard tout à fait essentiel, notamment par cette idée lumineuse du nombre de planètes qu’il nous faudrait si tous les peuples de la planète avaient le même type de consommation qu’un européen ou qu’un américain.

Paul Valéry, écrivain du début du XXème siècle, disait que « ce qui est simple est faux, et ce qui est complexe est inutilisable. » L’empreinte écologique est simple, utilisable mais donc fausse… De même, toutes les problématiques autour du principe de précaution, de la connaissance scientifique imparfaite et des risques sont des thèmes qui ne relèvent peut-être pas de l’empreinte écologique. Le fait de le savoir permet néanmoins de l’utiliser à bon escient et de ne pas chercher à en faire non plus l’outil qui va tout expliquer.

Mesurer autre chose autrement

Pour organiser les processus qui vont préparer les ruptures nécessaires à long terme, l’information joue un rôle important. Or, la vision économique, seule vision que nous ayons aujourd’hui, ne peut pas éclairer des questions qui sont justement en dysfonctionnement parce que l’économique ne les prend pas en charge. On en est encore à prendre des indicateurs que l’on sait aujourd’hui mesurer, alors qu’il va en fait falloir mesurer de nouvelles choses.

Le syndrome du lampadaire, c’est l’histoire du fou qui perd ses clés d’un côté de la rue et qui va les chercher de l’autre côté parce qu’il y a là de la lumière. Ce n’est pas avec les outils purement économiques, tels que le Produit National Brut, que l’on peut éclairer les problèmes du développement durable. Il faut les éclairer avec un lampadaire spécifique donnant un autre éclairage, tel que celui que l’empreinte écologique permet par exemple d’apporter.

Un autre éclairage pour l’Afnor

L’objectif du fascicule de documentation SD21000 de l’Afnor est de hiérarchiser les enjeux significatifs et de les intégrer dans les stratégies de développement durable des organisations. Les premiers résultats d’une expérimentation portant sur une centaine de PME montrent que celles-ci arrivent en général à bien situer leurs enjeux par rapport à des données immédiates. Elles ont en revanche énormément de difficultés à se projeter dans l’avenir, à voir globalement en pensant à des enjeux qui leur paraissent trop distants, comme les générations futures ou l’effet de serre. Dans ce cadre, l’empreinte écologique peut être un moyen d’apporter cette projection manquante, cette capacité de hiérarchiser et d’apporter un éclairage particulier qui ne reflète pas simplement les intérêts immédiats.

Il faut aujourd’hui que, grâce par exemple à l’empreinte écologique, les enjeux globaux deviennent l’affaire de tous et que chacun sache comment les actions très concrètes du quotidien ont un impact lointain. C’est un outil fantastique pour pouvoir l’illustrer.

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